Introduction à l’être zen : Incontournable esprit zen

Depuis qu’il a été introduit en Occident, au début XX° siècle, le zen captive les imaginations.
Mais d’où vient ce courant de pensée ?

INTRODUCTION À L’ÊTRE ZEN :
INCONTOURNABLE ESPRIT ZEN
À la fin du XII ème siècle, de retour de Chine, le moine Eisai répand au Japon une nouvelle forme de
bouddhisme, le Chan. Et avec son école zen Rinzai il introduit le zen au Japon, tout en rapportant dans
son balluchon des graines de thé vert…
Au début du XIII ème siècle, Dōgen, autre moine japonais, introduit dans l’île du Soleil Levant une
autre branche zen, le zen Sōtō.
Ces deux écoles vont avoir un impact immense sur la culture japonaise, qu’il s’agisse de jardins
paysagers, de cérémonie du thé, de dépouillement artistique, d’architecture ou du design japonais.


Toutefois le zen, après s’être heurté à l’opposition et à l’hostilité des écoles traditionnelles de
bouddhisme, a pu se développer pendant l’époque de Kamakura, lorsque l’équilibre des pouvoirs s’est
déplacé de Kyōto à Kamakura et aussi sous l’influence des guerriers samouraïs, qui l’ont tout de suite
adopté.

On pourrait se demander comment un courant de pensée fondé sur la compassion et la non-violence a pu trouver grâce auprès de l’élite guerrière. Tout simplement parce que les samouraïs, confrontés à la mort, sur les champs de bataille, trouvaient beaucoup de réconfort dans la croyance zen qui met sur le même pied d’égalité la vie et la mort. Et en même temps, comme l’écrit D.T. Suzuki dans son « Introduction au Bouddhisme Zen », « la discipline zen est simple, directe, autonome et exigeante », sans qu’il soit besoin de faire référence à une doctrine ésotérique complexe ou à un bagage émotionnel. Enfin, « le zen nous conseille… de ne pas croire en un être supérieur autre que soi-même ».

Ainsi la simplicité, l’austérité, l’autodiscipline et
l’importance de la méditation pour trouver son moi
supérieur expliquent-elles l’attrait du zen sur les
samouraïs. Ce qui fait dire à l’architecte Terunobu
Fujimori que « le fait d’affronter la mort tous les jours
entraînait inévitablement une profonde introspection sur
leur existence personnelle… Le zen met en partie l’accent
sur la nécessité d’examiner attentivement l’essence des
choses et de rester à l’écart des ornements éblouissants
et des possessions mondaines ».

Une autre singularité pour nous Occidentaux réside dans le fait que de redoutables guerriers
samouraïs puissent se dévouer aux divers arts associés au zen (chanoyou, haïku, jardinage paysager,
calligraphie, etc.). Comme l’a écrit Trevor Legget, ancien instructeur de judo et ancien chef du service
japonais de la BBC : « de nombreux guerriers étaient des hommes de culture, des poètes et des artistes,
dont l’œuvre était souvent éclairée par leur formation au zen ».

William Scott Wilson, dans son introduction à la traduction du « Code du Bushidō » de Tadashi Kamiko
estime que « Ces hommes n’étaient pas simplement de rudes combattants sans éducation, mais
incarnaient souvent l’idéal extrême-oriental d’un équilibre entre la conscience culturelle et l’expertise
artistique, d’une part, et de grandes capacités martiales, d’autre part. En effet, ils considéraient que les
arts culturels et martiaux se soutenaient mutuellement, comme les deux ailes d’un oiseau ».
Ainsi les arts culturels et martiaux (kendō, kyūdō, yabusame, etc.) étaient-ils étroitement liés à
l’entraînement zen des samouraïs, car ils exigeaient tous une concentration suprême sur la tâche à
accomplir. À rapprocher aujourd’hui de la méditation de pleine conscience qui aide à porter l’attention
sur l’instant présent, le « ici et maintenant », de manière consciente, présente, et sans porter de
jugement. La pleine conscience permettant d’examiner les pensées et les émotions sans les combattre,
en les acceptant avec bienveillance.

Steve John Powell et Angeles Marin Cabello, dans
le n°136 de décembre 2023 de Zoom Japon
« L’être zen » considèrent que le zen nous donne
un moyen de calmer nos esprits anxieux et de
nous détacher, même brièvement, des
tribulations de la vie quotidienne. Et de
nombreux arts, liés au zen, peuvent nous aider à
atteindre cet objectif.
De même, grâce au zen, notre vocabulaire s’est
enrichi de nombreux mots d’emprunt, tels que
satori, kendō, bonsaï, ikebana, kōan (brève
anecdote absurde ou paradoxale), karate, aïkido,
« chacun étant un prisme scintillant révélant une
nouvelle vision de la vie ».

Je n’hésite pas à clore cette introduction au zen par une longue citation de Steve John Powell et
d’Angeles Marin Cabello :
« Le plus zen de tous ces termes est Wabi Sabi, clef essentielle pour comprendre la psyché japonaise (…)
Wabi signifie littéralement ‘pauvreté’, mais s’applique à tout ce qui est rustique, humble, naturel ou
imparfait. Sabi veut dire solitude, mais est également utilisé pour décrire ce qui est usé par le temps,
sans prétention, souvent avec un élément de création artistique – comme les ustensiles utilisés lors d’une
cérémonie du thé.
Employés ensemble, les deux mots évoquent une beauté rustique, imparfaite, naturelle, mélancolique et,
surtout, éphémère.
Parmi les exemples, citons une lanterne en pierre recouverte de mousse, un bol de cérémonie du thé fait à
la main craquelé par l’âge, ou encore le chant de grillons invisibles dans les arbres d’un vieux sanctuaire
en bois sous une lune d’automne.
Mais rien n’incarne mieux le concept japonais de beauté éphémère que les cerisiers en fleurs, vénérés par
les Japonais parce que les fleurs ne durent qu’une semaine environ.

En acceptant la beauté de l’éphémère dans toutes les choses, y compris la vie elle-même, le Wabi Sabi
incarne l’essence insaisissable de l’esthétique japonaise.
C’est aussi l’âme du zen ».

Dominique Faillard

Pour aller plus loin :

  • D.T. Suzuki (1870-1966) : An Introduction to Zen Buddhism (1934) et Zen &
    Japanese Culture (1938).
    Christmas Humphreys : Zen Buddhism (1949), cité par Van Morrison dans
    sa chanson Cleaning Windows (1982).
  • Alan Wattts : L’Esprit du Zen (traduit de l’anglais par Marie-Béatrice Jehl,
    Points, 2005) a influencé des écrivains de la Beat Generation comme Jack
    Kerouac (1922-1969) – surnommé par le magazine Tricycle comme le
    « premier patriarche du bouddhisme en Amérique »- et Allen Ginsberg
    (1926-1997).
  • Jack Kerouac : son roman classique Les Clochards célestes (traduit de
    l’anglais par Marc Saporta, Folio, 1974) respire à chaque page la passion
    du zen ; quant à Dharma (traduit de l’anglais par Pierre Guglielmina,
    Fayard, 1999) est un recueil de 400 pages de ses réflexions sur le
    bouddhisme.
  • À partir des années 1950 la popularité naissante du zen a été confirmée
    dans les journaux et les magazines tels que le New York Times, le New
    Yorker, Newsweek et la Chicago Review.
  • Des artistes et des intellectuels aussi divers qu’Aldous Huxley et Dizzie
    Gillespie ont épousé la voie du zen.
  • En 1968, Les Beatles se rendent à Rishikesh, en Inde, pour découvrir la
    méditation. Ainsi ont-ils sensibilisé des millions de personnes ordinaires
    au concept de méditation, le zen n’étant alors plus réservé à l’élite
    intellectuelle.
  • Plus récemment, Jon Kabat-Zinn : Au cœur de la tourmente, la pleine
    conscience (traduit de l’anglais par Claude Maskens, J’ai Lu, 2012) ; Où tu
    vas, tu es (traduit de l’anglais par Yolande Du Luart, J’ai Lu, 2013), a
    contribué à déclencher un nouveau boom du zen en utilisant « le cheval de
    Troie de la pleine conscience », pour introduire des techniques adaptées
    de la méditation zen. Aujourd’hui, la méditation de pleine conscience est
    pratiquée dans un nombre croissant d’institutions à travers le monde,
    notamment dans les écoles, les services de police et les multinationales,
    dont Google, Amazon, Yahoo, Ford et Nike.


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